Ce que faisait ma grand-mère à moitié nue sur le bureau du Général / Christophe Donner
Livre
Edité par Bernard Grasset | 2023
Le roman de Christophe Donner commence en 2020, quand il fait la connaissance d'un oligarque russe, Otto Zorn (le nom a été changé), magnat du numérique et grand collectionneur d'art conceptuel qui, sans coup férir, lui achète l'ensemble des fichiers vidéo du roman qu'il est en train d'écrire. Ces milliers d'heures d'enregistrement, capturées par un des logiciels de son ordinateur, contiennent ainsi l'intégralité du processus de création de l'écrivain. Repentirs et pannes d'inspiration compris. L'impudeur est totale et confine à l'hubris : l'oligarque et l'écrivain viennent de créer le plus gros NFT (Non-funginble token) littéraire de la jeune histoire du métavers. Payé en crypto-monnaie, à raison d'un éther par fichier, l'écrivain pris dans les délices de la spéculation voit sa fortune évoluer en fonction du cours très volatile de cette monnaie futuriste. Les millions d'euros virtuels grimpent et dégringolent, cependant que le livre continue de s'écrire, coûte que coûte. Ce livre n'est autre qu'une suite de La France goy pendant l'entre-deux guerres, avec une spirale qui tourne autour de trois axes : l'axe familial (le Dr Henri Gosset, arrière-grand-père de l'auteur), l'axe Léon Daudet et son fils Philippe (dont Henri Gosset fut le médecin), l'axe Pétain/De Gaulle. Trois histoires oedipiennes où des fils tuent des pères... Christophe Donner nous explique ici pourquoi Léon Daudet, le fondateur de L'Action Française, leader charismatique de l'extrême droite, royaliste, antisémite, antidreyfusard incorrigible, élu député de Paris, n'est jamais devenu le Mussolini, le Franco, le Hitler qu'il ambitionnait de devenir. Il raconte comment c'est le fils de Léon Daudet, Philippe, alors âgé de 14 ans, qui va briser cette ambition. Au terme d'une fugue des plus insensée, l'adolescent décide d'aller assassiner son père Léon Daudet en criant Vive l'anarchie ! Armé d'un revolver, il renonce en chemin et se tire une balle dans la tête. Mais par ce geste sidérant, sacrificiel, Philippe aurait sauvé les Français d'un fascisme européen qui, au milieu des années 20, n'aurait rien eu à envier à celui de ses voisins. Ce livre virtuose frappe à la porte d'une histoire de France qui n'avait jamais été racontée de cette façon. Quant à savoir ce que faisait la grand-mère maternelle, à demi-nue, sur le bureau du Général, c'est le suspens par lequel l'auteur finit de tisser son intrigue, et maintient son mécène, et ses lecteurs, en haleine.