"Le Caïman" de Nanni Moretti (2006)
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Charge politique, portrait intime et hommage au cinéma : Nanni Moretti brasse les genres dans un film remarquablement drôle et intelligent.Bruno Bonomo, producteur de films de série Z dont la carrière patine depuis une décennie, est au bord de la faillite, tant professionnelle que personnelle. Sa femme Paola, qui tenait autrefois les premiers rôles de ses opus, l’encourage à officialiser leur séparation, notamment auprès de leurs deux jeunes fils. Après avoir échoué, une fois encore, à monter un projet, le quinquagénaire se plonge dans la lecture d’un scénario intitulé Le caïman, confié par Teresa, une réalisatrice débutante. Celui-ci retrace l’ascension politique d’un homme d’affaires sans scrupules, entre magouilles et outrances en tous genres. Bien qu’ayant tardé à reconnaître dans le héros Silvio Berlusconi, et malgré la censure à laquelle il se heurte, Bruno décide de mettre toute son énergie au service du film.Société anesthésiéeÉlevé contre "la dictature du cinéma d’auteur", Bruno, de son propre aveu, a voté Berlusconi sans vraiment réfléchir… À travers ce producteur en pleine déconfiture (Silvio Orlando, subtilement tragi-comique), impuissant à retenir celle qu’il aime (Margherita Buy, aussi convaincante en héroïne sanguinaire de série Z qu’en épouse à la patience affectueuse), Nanni Moretti brosse le portrait d’une société italienne anesthésiée, sous la coupe politico-médiatique d’un Silvio Berlusconi omnipotent, que le cinéaste se paie le plaisir d’incarner dans une séquence finale à la trouble séduction. Mais si la jeune et fougueuse Teresa (Jasmine Trinca), incarnation de la résistance, parvient à bousculer la passivité complice de Bruno, Le Caïman ne saurait se limiter à sa charge politique. Truffée de films dans le film, cette comédie mélancolique à la construction complexe se regarde aussi comme une fascinante déclaration d’amour au cinéma.